Au deuxième trimestre 2025, la masse monétaire libellée en dollars américains a progressé de 3,87 %. Dans le même temps, l’indice du dollar américain (DXY) a chuté de 7,03 % – l’une des plus fortes baisses trimestrielles de l’histoire récente.
Cette chute dramatique du dollar n’a pas seulement secoué les marchés des changes : elle a aussi amplifié la hausse de la masse monétaire mondiale (M2) lorsqu’elle est mesurée en dollars. Avec le renforcement des devises étrangères par rapport au dollar, même les modestes augmentations de la M2 en devises locales ont eu l’air beaucoup plus importantes en dollars. Lorsqu’on les mesure avec des taux de changes constants, la M2 mondiale n’a augmenté que de 1,19 %, un rythme beaucoup plus modéré.
La tendance nationale est frappante. L’offre de monnaie M2, qui comprend la monnaie fiduciaire, les dépôts à vue, les comptes d’épargne, les fonds du marché monétaire et les dépôts à terme, a atteint un record de 22 000 milliards de dollars.
Les données indiquent une croissance annuelle de 4,5 %, ce qui la place au-delà du précédent sommet de 21,86 billions de dollars atteint en mars 2022, à l’apogée de la grande vague monétaire post-Covid. Bien que la croissance actuelle soit inférieure à la moyenne à long terme de 6,3 %, il s’agit tout de même d’un bond impressionnant, d’autant plus que la Fed n’a pas abaissé ses taux d’intérêt et qu’elle a continué à réduire sa feuille de route.
Ce n’est pas la vitesse, c’est l’accélération
La M2 est une mesure plus large que la simple “liquidité” et sert d’indicateur crucial à la liquidité du système. Cependant, sa croissance à elle seule ne provoque pas nécessairement l’inflation.
SP 500 et masse monétaire M2, 2015-2025, Source : TradingView
Les données provenant des années 2010 montrent une croissance apparente de la M2 domestique, qui a toutefois été accompagnée d’une inflation moyenne de 1,7 % par an, ce qui est largement conforme aux paramètres cibles. C’est là qu’intervient la vitesse de circulation de la monnaie – le taux auquel l’argent change de mains. Même si la M2 augmente, si les gens ne dépensent pas ou n’investissent pas, alors cet argent reste en sommeil. Actuellement, la vitesse de la M2 est en légère baisse, ce qui indique que l’argent circule plus lentement qu’auparavant.
Une masse monétaire croissante avec une vitesse stagnante ou en baisse, c’est comme verser de l’eau dans une éponge plutôt que dans un tuyau : elle est absorbée plutôt que de s’écouler dans le système. Cela pourrait expliquer pourquoi l’inflation ne s’est pas ravivée malgré l’augmentation de la masse monétaire.
Plusieurs facteurs sont en jeu : le durcissement des règles d’octroi de crédit par les banques, les taux d’intérêt élevés et les consommateurs prudents, en particulier les générations plus âgées, qui préfèrent “faire de l’épargne sur le long terme” plutôt que de dépenser. Les taux d’épargne des ménages augmentent, ce qui fait encore baisser la vitesse.
Tarifs et dé-dollarisation
En 2025, les tarifs douaniers font partie intégrante de presque toutes les discussions économiques. Ils peuvent indirectement stimuler la masse monétaire M2 en empêchant les dollars de quitter l’économie américaine. Lorsque les tarifs rendent les importations plus chères, la production nationale devient relativement plus attrayante, et les dollars qui auraient été envoyés à l’étranger restent maintenant dans le pays, ce qui augmente la masse monétaire nationale.
Outre les tarifs, il y a le risque de dé-dollarisation. Le risque d’un commerce international s’éloignant du dollar est évident, et si cette tendance persiste, il est probable qu’une grande partie de ces dollars étrangers finiront par revenir aux États-Unis.
Historiquement, le déficit commercial des États-Unis a permis au pays d’exporter sa monnaie, les pays étrangers conservant leurs dollars pour le règlement des échanges commerciaux ou en tant que réserves internationales. Ces dollars ne faisaient pas partie de la masse monétaire M2 parce qu’ils étaient détenus à l’étranger.
Mais si les pays étrangers font un pas vers l’éloignement du dollar, les détenteurs étrangers du dollar auront moins d’endroits qui accepteront la devise américaine.
Cependant, ils pourraient toujours s’en débarrasser en achetant des biens et des services américains, ce qui augmenterait ainsi la masse monétaire intérieure. Ces dollars retournés seraient remis en circulation, créant ainsi une forme d’expansion monétaire indépendante de la politique de la Fed.
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