Les efforts du président américain Donald Trump pour résoudre la querelle territoriale entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan au sujet du Haut-Karabakh pourraient redessiner la carte géopolitique de la région du Caucase du Sud, au profit des entreprises américaines et affaiblissant l’influence de la Russie.
Le Premier ministre arménien Nikol Pachinian et le président azéri Ilham Aliyev ont entamé à Washington le 8 août des démarches vers un accord de paix afin de mettre fin à leur différend de longue date. Ils ont convenu de s’abstenir d’appliquer des revendications territoriales et ont reconnu l’intégrité territoriale de chacun.
“Pendant trente-cinq ans, ils se sont battus, et aujourd’hui ils sont amis et vont le rester longtemps”, a déclaré Trump lors de la réunion. Le président Aliyev et le Premier ministre Pashinyan ont qualifié les résultats de “historiques” lorsqu’ils ont scellé leur poignée de main avec Trump.
L’initiative de paix pourrait restructurer l’équilibre géopolitique des forces dans le Caucase du Sud. Depuis plus d’un siècle, Moscou exerce une influence politique dans la région. L’Iran a des intérêts culturels et politiques importants dans la région.
“La réunion et la déclaration ont envoyé des signaux nécessaires à la Russie, à l’Iran et à d’autres acteurs régionaux”, ont écrit Robert F. Cekuta, ancien ambassadeur américain en Azerbaïdjan, et Richard L. Morningstar, président fondateur du Global Energy Center, pour l’Atlantic Council. “Les États-Unis sont désormais en mesure de jouer un rôle crucial dans le Caucase du Sud, afin d’aider au développement économique de la région.”
ExxonMobil (NYSE:XOM) a signé un accord avec la société pétrolière nationale de l’Azerbaïdjan, SOCAR, en marge des négociations. L’accord a une “forte probabilité de découverte d’un important gisement pétrolier”, a déclaré Aliyev.
La Russie met en garde contre une ingérence extérieure
Le porte-parole du ministère russe des Affaires étrangères, Maria Zakharova, a exprimé son soutien nominal pour une “zone de stabilité et de prospérité” dans la région. Elle a déclaré que les conflits dans le Caucase du Sud devraient être réglés par les puissances régionales – en particulier la Turquie, l’Iran et la Russie – et non par des acteurs extérieurs, tels que les États-Unis.
“Cela reflète l’anxiété croissante de Moscou à l’idée d’être mis à l’écart dans une région qu’il considère depuis longtemps comme faisant partie de sa sphère d’influence”, a écrit jeudi Richard Connolly, analyste principal chez Oxford Analytica. “Moscou, historiquement le principal intermédiaire du pouvoir dans les relations entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan, a émergé comme une autre partie insatisfaite.”
Donald Trump et le président russe Vladimir Poutine doivent se rencontrer aujourd’hui à Anchorage, en Alaska. Ils discuteront d’un éventuel cessez-le-feu dans la guerre Russie-Ukraine, et non des efforts de paix de Trump entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan.
L’Union européenne (UE) a salué les résultats des pourparlers trilatéraux. Le Conseil de l’UE a ajouté que le bloc “travaillerait avec ses partenaires à une normalisation complète des relations”.
L’initiative de Trump pourrait bénéficier aux entreprises américaines
Dans le cadre de l’accord, les États-Unis fourniront une assistance en matière d’infrastructures pour construire un corridor de transit, appelé “Trump Route for International Peace and Prosperity” (TRIPP). Le rôle de Trump dans le rapprochement des deux nations pourrait ouvrir de nouvelles opportunités aux entreprises américaines.
Le corridor proposé, également connu sous le nom de “corridor de Zanguezour” en Azerbaïdjan, reliera l’Azerbaïdjan et son exclave, le Nakhitchevan, via la province arménienne de Syunik. L’Azerbaïdjan fait la promotion de son corridor de Zanguezour depuis des années. L’Arménie s’y était opposé.
Maintenant, l’Arménie a accepté d’accorder aux États-Unis des droits de développement exclusifs pour 99 ans. Les États-Unis le sous-loueraient ensuite à un consortium, développant des lignes pétrolières, gazières, ferroviaires et en fibre optique le long du corridor de 43 kilomètres. Le lien se connectera au corridor gazier sud-européen (SGC) de 45 milliards de dollars, qui fournira 10 % des besoins en gaz de l’Europe d’ici 2030.
Les entreprises américaines impliquées dans le SGC, telles que Schlumberger Ltd. (NYSE: SLB), sont bien placées pour bénéficier de cette intégration. Baker Hughes (NASDAQ: BKR), Caterpillar Inc. (NYSE: CAT), Cisco Systems (NASDAQ: CSCO) et General Electric (NYSE: GE) pourraient également profiter de l’accord de développement exclusif.
La présence américaine dans la région suscite des inquiétudes du côté iranien
Une présence américaine dans la région a déjà suscité des inquiétudes en Iran. Téhéran a déclaré qu’il s’opposerait à TRIPP, “avec ou sans la Russie“.
TRIPP diminuerait le levier économique de l’Iran et renforcerait les positions de la Turquie et de l’Azerbaïdjan dans la concurrence géo-économique plus large dans la région.
“Du point de vue de Téhéran, le corridor augmente l’influence américaine et israélienne le long de sa frontière nord et améliore le rôle de la Turquie dans le Caucase du Sud”, a écrit Connolly. Cela pourrait également réduire les revenus iraniens, en agissant comme une route de transit pour les marchandises en provenance d’Azerbaïdjan.
Pour la Chine, le rôle des États-Unis dans le corridor de Zanguezour pourrait porter un coup dur à l’initiative ceinture et route (BRI).
La Russie perd de son influence à Erevan et à Bakou
Erevan et Bakou ont fait pression pour une solution parrainée par les États-Unis en raison de liens de plus en plus tendus avec la Russie. Leur tournant diplomatique vers les États-Unis constitue un signal fort quant à la capacité de la Russie à assurer un règlement pacifique.
La Russie avait tenté de résoudre le conflit en 2020. Le président russe Vladimir Poutine avait signé un accord trilatéral pour mettre fin à la guerre de 44 jours entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan le 10 novembre de cette année-là.
L’accord n’a pas permis d’aboutir à un règlement définitif de la paix. En septembre 2023, l’Azerbaïdjan a renversé le gouvernement de facto soutenu par l’Arménie au Haut-Karabakh.
À partir de ce moment, les relations entre l’Arménie et la Russie se sont détériorées. Erevan a accusé Moscou de ne pas avoir respecté ses engagements d’alliance et a gelé son adhésion à l’Organisation du traité de sécurité collective.
L’Azerbaïdjan se retourne contre Moscou
Les relations de Moscou avec Bakou ont également souffert récemment.
Les relations de l’Azerbaïdjan avec Moscou se sont détériorées après l’arrestation de plusieurs citoyens azerbaïdjanais à Iekaterinbourg, la quatrième ville de Russie, en juillet 2025. Lors de leur détention, ils ont été torturés. Deux suspects sont finalement décédés.
En réponse, les autorités azerbaïdjanaises ont annulé tous les événements culturels liés à la Russie. Les autorités ont perquisitionné le bureau de Baku de l’agence de presse russe Sputnik et ont arrêté ses employés ainsi que plusieurs spécialistes russes de l’informatique.
Dans la région, la Russie est passée “d’un partenaire stratégique à un allié problématique”, a déclaré Benyamin Poghosyan, président du Centre d’études stratégiques politiques et économiques à Erevan.
Des inquiétudes subsistent autour de l’initiative de Trump
Malgré l’optimisme prudent, il y a des inquiétudes justifiées quant à savoir si Erevan et Bakou ont conclu une paix durable. L’Arménie et l’Azerbaïdjan n’ont pas réussi à concrétiser leurs engagements pris lors du sommet de la Maison Blanche.
La guerre de 44 jours à la fin de 2020, ainsi que l’offensive militaire azérie qui a conduit à l’effondrement du gouvernement soutenu par Erevan au Haut-Karabakh en 2023, soulignent la fragilité des initiatives diplomatiques.
Aliyev a réitéré lors du sommet trilatéral à Washington des conditions spécifiques pour la paix. L’Arménie devrait amendé sa constitution et supprimer toutes les références aux revendications territoriales sur le Haut-Karabakh pour conclure un accord de paix.
“Les États-Unis devraient aider les Arméniens et les Azerbaïdjanais à prendre d’autres mesures nécessaires pour réaliser une paix réelle et durable”, ont écrit Cekuta et Morningstar. “Ce travail devrait inclure l’engagement actif des Azerbaïdjanais et des Arméniens en vue de créer des liens personnels et de favoriser la compréhension mutuelle après près de quatre décennies d’hostilité”.
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