Pendant des années, la liquidité n’était une préoccupation que dans des situations de crise ; c’était une variable en arrière-plan, et non un problème de premier plan. Mais la hausse des taux d’intérêt et l’inflation persistante ont renversé cette équation.
En juin, les prix à la consommation aux États-Unis affichaient un IPC annuel de 2,7 %, soit au-dessus du taux de confort de la Réserve fédérale, tandis que le taux de référence reste élevé, entre 4,25 % et 4,50 %, inchangé depuis la fin de l’année 2024.
Les investisseurs institutionnels et les gestionnaires de fonds ressentent cette pression, et ils demandent des structures plus agiles et liquides pour la gestion de leur capital. La liquidité n’est plus simplement une considération passive ; elle est devenue une priorité stratégique. L’ensemble du secteur assiste à un basculement de l’investissement de type « patient » vers une utilisation plus tactique et en temps réel des fonds.
Quel est l’impact de ces changements sur les investissements ?
Aujourd’hui, les investisseurs ne cherchent plus à obtenir les rendements les plus élevés possibles. Ils veulent avant tout savoir qu’ils peuvent récupérer leur argent rapidement et facilement, si nécessaire. Ce changement de mentalité suscite un intérêt croissant pour de nouvelles stratégies, de nouveaux marchés et des modèles d’allocation plus flexibles.
Les seconds marchés notamment sont devenus la solution de liquidité favorite des investisseurs en capital-investissement. En 2024, les transactions sur ce marché ont atteint un record de 160 milliards de dollars, dépassant le précédent record de 134 milliards de dollars en 2021.
Les fonds à capital variable suscitent également plus d’intérêt. Rien qu’en Europe, les actifs sous gestion dans les structures à capital variable ont augmenté de 60 % entre 2023 et 2024, atteignant près de 63 milliards d’euros à la fin de l’année précédente. Grâce à leurs caractéristiques de souscription et de rachat flexibles, les investisseurs peuvent acheter et vendre plus facilement ces fonds. Ce qui est très recherché en ce moment.
De manière plus générale, de plus en plus d’investisseurs adoptent des stratégies d’« allocation agile », c’est-à-dire qu’ils surveillent en permanence et redéploient régulièrement leur capital sur la base des signaux émis par le marché en temps réel plutôt que d’attendre les rapports trimestriels.
Lorsque la liquidité peut s’évaporer presque instantanément, il est essentiel de garder un œil sur les choses à tout moment pour éviter que la situation ne se dégrade. C’est un point de vue essentiel à considérer pour rebâtir les portefeuilles.
La tokenization : promesses sans demande ne se vendent pas
Quand la tokenization a été commercialisée pour la première fois, elle semblait être une solution idéale sur le papier. Convertir des actifs réels en jetons numériques allait ‘libérer la liquidité’ et démocratiser l’investissement. Mais dans la pratique, cette promesse est souvent restée lettre morte. Envelopper simplement un actif difficile à vendre dans un jeton ne le rend pas plus facile à négocier. Si le marché ne veut pas de cet actif, la tokenization ne changera rien à l’affaire.
Prenons l’exemple de l’immobilier. La propriété tokenisée d’un bâtiment mal situé, avec des rendements locatifs faibles, restera un investissement peu attractif, peu importe comment vous le présentez. Il suffit de regarder le cas d’Aspen Coin pour s’en convaincre.
En 2018, unluxeux centre de ski a été partiellement tokenisé et décrit comme l’une des premières entreprises immobilières tokenisées. Mais après que l’enthousiasme initial se soit dissipé, très peu d’acheteurs se sont présentés, et les niveaux de liquidité ne correspondaient pas aux attentes.
Le problème sous-jacent n’était pas la technologie, mais le manque de demande réel. La participation au marché n’a pas suivi, car l’intérêt des investisseurs a diminué. Et c’est un point crucial : la liquidité ne dépend pas seulement de la technologie ou de la structure. Il s’agit de savoir si l’actif lui-même est attrayant pour les acheteurs. La tokenization pourrait offrir un accès plus large à l’investissement, mais sans demande réelle, cela n’a aucun intérêt.
C’est pourquoi je ne crois pas qu’il soit très réaliste d’espérer que la tokenization puisse résoudre les problèmes de liquidité plus larges. Certains actifs sont illiquides pour une raison, et il ne faut pas oublier que les envelopper dans la digitalisation ne changera rien à cela.
Ce dont le marché a vraiment besoin
De mon point de vue, l’industrie a besoin de réalisme plutôt que de battage médiatique. Il lui faut des solutions structurelles tangibles plutôt que des emballages clinquants ou des mots à la mode qui ne servent qu’à attirer l’attention de manière temporaire. Cela signifie repenser la conception des fonds et élaborer des stratégies d’exécution qui tiennent compte de la volatilité et de la fragmentation du marché.
Les acteurs avisés s’adaptent activement. Les fonds spéculatifs réduisent l’effet de levier et créent des coussins de liquidité. Ils sont essentiels lorsque le financement se resserre ou que les exigences en matière de garanties augmentent. Certains fonds adoptent également des modèles de liquidité à risque, qui peuvent calculer combien de titres d’un portefeuille peuvent être vendus avant que les prix ne soient impactés négativement.
Les firmes quantitatives incorporent des signaux de liquidité dans leurs modèles de trading pour éviter les spirales de vente impulsées par l’intelligence artificielle. Avec autant de stratégies réagissant maintenant aux mêmes gros titres, le risque de voir des ventes artificiellement déclenchées est bien réel et doit être pris en compte.
Les gestionnaires d’actifs segmentent les portefeuilles en fonction de la rapidité de liquidation : T+1, T+3, T+5, en fonction de leur rapidité à se désengager. Ils utilisent également des outils tels que le swing pricing et les portes de rachat, tout cela pour aider à planifier des sorties ordonnées et éviter de se précipiter à la dernière minute.
En bref, la liquidité n’est pas quelque chose à laquelle il faut penser pendant ou après la tempête. Lorsque des fissures commencent à apparaître, il faut déjà être prêt. La meilleure chose à faire est donc de bien s’y prendre à l’avance.
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