Interview exclusive avec l’entrepreneur Ray Youssef sur le futur du P2P et de la crypto en Afrique

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Ray Youssef est un entrepreneur au verbe haut, fondateur de la plateforme d’échange de cryptomonnaies de pair-à-pair Paxful, aujourd’hui CEO de NoOnes. Quand il parle, c’est cash, sans filtre. Grand défenseur de Bitcoin et de l’émancipation financière en Afrique, il a répondu à nos questions, alors que l’ETF de Bitcoin approuvé par la SEC interroge sur la centralisation des cryptomonnaies. C’est l’interview de la semaine.

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Vous dites souvent que l’éducation est la clé. Pourtant, le chemin semble être encore long vers une adoption massive du peer-to-peer que vous défendez depuis des années…

Beaucoup d’entreprises utilisent le mot éducation comme un “buzz word”. Je fais de l’éducation depuis le premier jour. C’est la chose la plus importante qui soit. J’essaie d’aller un peu plus loin, en partageant comment nous sommes arrivés à cette situation. Malcom X disait que, si les gens ne savent pas la raison qui les a conduits à l’état de fait qu’ils vivent, ils ne seront jamais en mesure d’en sortir. J’ai trois valeurs dans ma nouvelle entreprise, et l’éducation “bullish” en fait partie. Je veux enseigner à mes frères comment gagner de l’argent.

Bitcoin est-il l’autre partie de la solution ?

Absolument. Bitcoin est la cryptomonnaie la plus décentralisée, c’est à coup sûr une part importante de ce grand puzzle. De vous à moi, je suis en train de faire ce que Kadhafi a tenté de faire, mais en restant en vie et avec le succès au bout. En résumé, il s’agit d’une Renaissance panafricaine. Nous avons les ressources naturelles, les cerveaux les plus éduqués, de quoi manquons-nous ?

D’argent ?

L’argent, la monnaie, c’est juste du travail humain encapsulé pour transcender l’espace et le temps. Nous avons des jeunes prêts à travailler, 60% sont au chômage, ils devraient avoir cet argent. Ce qui nous empêche d’avancer, c’est le système qui crée cet argent, c’est cela le vrai problème. Les États africains ne peuvent pas échanger entre eux, parce que c’est tellement difficile d’envoyer de l’argent dans le pays d’à côté, avec le système bancaire actuel, à moins d’être un milliardaire. Les États-Unis seraient-ils si riches si le citoyen américain ne pouvait pas envoyer de l’argent de New-York vers le New-Jersey ? Je crois que l’Amérique serait un pays du Tiers-monde. Est-ce que vous avez une idée du pourcentage qui est échangé entre les États africains ? Les échanges panafricains représentent moins de 1%, contre 59% en Asie et 30% en Amérique du Sud.

C’est un miracle que les Africains ne soient pas déjà rayés de la carte. Quand les Africains pourront effectuer des transactions entre eux, vous verrez une explosion de la richesse, de la prospérité, du travail. Mais pour le faire, vous devez avoir un système qui permette aux gens de faire du commerce. Kadhafi a essayé, il avait dit “j’ai 144 tonnes d’or dans ma cave, utilisons cette réserve comme un collatéral pour créer une monnaie panafricaine”. Que lui est-il arrivé ? L’Afrique n’a pas besoin de toutes ces ONG. Il faut juste lui permettre de trader. Au Nigéria, au Ghana, ils le font déjà en s’échangeant du Bitcoin de pair-à-pair, l’énergie est incroyable.

Comment voyez-vous le futur du pair-à-pair en Afrique ?

L’Afrique de l’Ouest représente la majorité de notre business, qui grandit à une vitesse très rapide. Mais notre plateforme n’est qu’une fraction d’une petite partie des échanges P2P, qui se déroulent hors-ligne la plupart du temps, ou sur Telegram ou en personne. Le monde entier est en train de s’y mettre. Mais le projet de Bitcoin ne sera pas complet tant qu’il n’y aura pas une place de marché.

Satoshi Nakamoto le savait, la première évolution de Bitcoin contenait 11 opcodes, qui ont été depuis supprimés, au sujet d’une marketplace, un inventaire, une carte de paiement, un compte séquestre (”escrow”). C’est ce que j’ai construit avec CivKIT, qui est un protocole décentralisé qui permet à n’importe qui de lancer une marketplace de pair-à-pair, et de me faire de la concurrence, de manière aussi simple qu’on peut aujourd’hui créer un blog avec WordPress.

Je veux construire quelque chose de plus grand que Binance. Mais je ne veux pas garder tout le pouvoir entre mes mains, comme CZ (Changpeng Zhao, l’ex-patron de Binance). Je veux que tout le monde me vole mes idées et gagne de l’argent. Et puis, je ne suis pas stupide non plus. Je ne peux pas y aller tout seul, et porter seul la cible dans mon dos ! (rires)

Quelle a été votre réaction suite à l’approbation de l’ETF Bitcoin spot ?

I’d love to add more alt-coins and make more revenue. Why haven’t I?

Because those other chains while better for transmission now will face the same scaling issues later. Rather than delay the inevitable snd just enjoy bitcoins price going up and cheerleading I choose to face… pic.twitter.com/Bj4q1oGGyB

— Ray Youssef (@raycivkit) January 7, 2024

Ils parlent toujours d’une réserve de valeur, mais ils ne voient pas la vision plus large. Ils pensent qu’en faisant monter les prix, plus de gens viendront à Bitcoin, et tout le monde sera content. La réalité, c’est qu’ils laissent leur avidité et leur stupidité prendre le contrôle. Nous avons donné le pouvoir à ces institutions, qui peuvent encore plus contrôler maintenant. Ils ignorent complètement les problèmes du Sud Mondial.

Qu’avez-vous appris tout au long de votre parcours d’entrepreneur ?

La même chose que j’ai apprise lorsque, à neuf ans, je commençais à aider mes parents, qui tenaient un kiosque à journaux, à New-York. Je faisais affaire avec les gens qui passaient dans la rue, en leur vendant des canettes et des journaux. C’est ça le vrai peer-to-peer, échanger avec les gens dans la rue.

La raison de mon succès, c’est que je suis celui qui va dans la rue à la rencontre des gens, je les prends au sérieux. C’est une leçon très simple, qu’aucun CEO n’applique pourtant. Ils préfèrent rester dans leur tour d’ivoire, et confier cette tâche à leurs chargés en communication ou leurs avocats. Je ne crois pas aux VC (fonds de capital-risque) et n’ai jamais voulu de leur argent. Je les connais trop bien.

Je construis des plateformes de pair-à-pair depuis neuf ans et des applications depuis 24 ans, elles ont toutes été P2P : sonneries de téléphone, partage de fichiers. Je suis un homme d’affaires, les volumes et les montants parlent. Lorsque les dirigeants africains qui ont leur argent à New-York, Londres ou Paris, se rendront compte qu’il y a de l’argent à faire dans leur pays, avec leur peuple, ils commenceront à s’ouvrir. Nous devons montrer à tout le monde à quel point le peert-to-peer a du potentiel. 70% de la richesse des trente prochaines années sera faite en Afrique. Il nous faut notre propre Google, notre Apple, notre Amazon.

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